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Les gros problèmes de LEGO City

Ou comment le magazine LEGO Life a, bien malgré lui, soulevé le problème insoluble de de la ville LEGO City? Derrière la façade, est-ce que tout est vraiment super génial? Levons le voile de la propagande et observons la réalité crue de la dystopie qu'est LEGO City.
Une journée paisible à LEGO City commence.

Le titre de l’article est putaclic

Le magazine LEGO Life est un trimestriel disponible gratuitement pour les enfants et est le pendant papier de l’application du même nom. C’est un outil de marketing de contenu – et de contenu de marque – destiné aux enfants. Pour résumer, c’est la version moderne du catalogue LEGO en plus ludique et éditorialisé. Contrairement aux périodiques disponibles chez les marchands de journaux, le magazine LEGO Life est gratuit. Et, selon l’adage, si c’est gratuit, vous êtes le produit. 

Nous y retrouvons naturellement les derniers ensembles de la marque. Néanmoins, ils sont présentés de façon moins frontale : pas de prix, de noms ou de références. En outre, ils sont agrémentés de nombreux jeux, BD et articles à la gloire de LEGO. En somme, c’est la Pravda jeunesse dont le but est d’augmenter l’exposition de la marmaille aux produits et donc de casser les pieds des parents pour qu’ils les achètent. Bref, que les enfants prescripteurs influencent les décisions d’achat des parents. 

Le magazine LEGO Life, ce n'est pas de la propagande, c'est une opération d'information spéciale. Gloire à LEGO!

La vérité est ailleurs

Intéressons-nous à ces fameux jeux qui servent d’enrobage aux dernières nouveautés de la marque. Plus précisément à l’appel à l’action proposée par un jeu spécifique. Résumons. Une pleine page dessinée rassemble les nouveautés LEGO City à travers des mises en situation pour le moins loufoques. Dans un encart en bas de page, le Dr Spetzel (sic) nous interroge sur les événements surprenants susceptibles de se produire à LEGO City. Sur la base de ce qui nous est donné à voir, il nous invite à une relation épistolaire afin de partager le fruit de nos réflexions. 

Contrairement à ce que suggère ma prose ampoulée, ce jeu est simple et incite à la créativité des enfants. Malheureusement, nous rencontrons ici un problème philosophique intrinsèque à l’oikeiopragia de LEGO City. Platon, dans La République, propose ce principe d’adéquation de l’individu et de la tâche. Chacun doit s’occuper de ce pour quoi il a un talent naturel – faire ses propres affaires ne signifie plus faire pour soi-même mais faire ce que l’on est soi-même le plus apte à faire. 

LEGO Life Magazine JAN. - FÉV. 2022. Une page qui restera dans les annales.

Les minifigs naissent libres et LEGO…

En effet, dans LEGO City, chacun est à sa place et ne varie pas du rôle qui lui est attribué. Il n’y a aucune mobilité sociale et chaque personnage est la caricature de sa propre fonction. Ainsi, il ne peut évoluer dans cette dernière qu’avec une marge de manœuvre réduite, ne laissant que peu de place à l’improvisation. L’individu est prisonnier de sa mission, derrière laquelle s’efface sa personnalité. Le policier police, le voleur vole et le tankiste t’enc… le médecin ausculte.

« Ça fera $37. – GÉNIAL! »

D’ailleurs, cette fonction est gravée dans leurs chairs, ou plutôt imprimée sur leur torse, voire leurs visages. L’exemple le plus frappant est la figure du voleur. Il ne peut se défaire de son masque tatoué et sa seule raison d’être est de justifier l’infrastructure policière. Sans lui, aucune prison ne verrait le jour. Il est sur la ligne de crête : son infraction doit être délictueuse pour justifier une incarcération, mais ne doit pas dépasser la ligne rouge du crime, impensable dans un jouet destiné aux enfants. Pas de meurtre dans l’utopie joyeuse de LEGO City.

"La seule prison est celle qu'on a dans la tête" dit l'écureuil. "Et retire ce masque idiot" ajouta-t-il.

…Mais certains sont plus LEGO que d’autres

Nous pouvons appliquer cette logique à d’autres infrastructures de la cité. L’hôpital, par exemple, ne comporte qu’un IRM, une maternité et une salle de jeux pour les enfants. Pas de bloc opératoire, ni de soins intensifs et encore moins de service de réanimation. À LEGO City, il ne fait pas bon d’avoir son pronostic vital engagé. Ici, les infirmiers sont remplacés par un clown (à moins qu’il ne s’agisse du directeur de l’établissement). Là encore, civière et ambulance trouvent leur légitimation avec le personnage du cascadeur, lui aussi prisonnier de son rôle d’éternel accidenté. Malheur à lui en cas d’hémorragie interne.

Quoi ? Tout n’est pas super génial ? On m’aurait menti ??

Dès lors, l’intitulé du jeu est déstabilisant. Comment imaginer des événements surprenants alors que les règles intrinsèques de la ville LEGO empêchent par essence toute forme de transgression ? Les habitants jouent leur rôle dans une enfilade de poncifs et semblent totalement hermétiques aux inférences abductives, c’est-à-dire d’avoir un raisonnement qui établit une cause la plus vraisemblable à un fait observé. Umberto Eco appelait ce procédé la « méthode du détective ».

La liberté c’est l’esclavage

Derp par jaysbrickblog.com

Par conséquent, nous assistons à des scènes improbables dont les causes ne viennent pas d’une quelconque bêtise de la part des habitants. Prenons l’exemple de la policière : elle possède une voiture de fonction permettant de larguer des chausse-trappes afin d’établir des barrages filtrants. Sans surprise, elle remplit à merveille cette fonction qui lui est attribuée. Mais son expertise, son raisonnement et son libre-arbitre s’arrêtent là. 

Effectivement, plutôt que de poursuivre logiquement son action, à savoir un contrôle d’identité, une interpellation, demander des renforts, son script s’arrête abruptement et se contente de commander une glace aux voleurs. Pire, son incapacité à se détacher du mandat qui lui est conféré la condamne à échouer cette interaction basique. Sinon, comment expliquer qu’elle commande un sorbet parfum vanille, chocolat et brocoli ?

L’ignorance, c’est la force

Dans ces conditions, LEGO City partage de nombreuses similitudes avec le monde de Westworld. En somme, un parc d’attractions où les conséquences n’ont aucune répercussion sur les événements et les enjeux de causalité suivent un script invisible au premier abord, et ce, afin de cadrer l’expérience de jeu. Les protagonistes ignorent les règles qui régissent leur monde et qu’importent les éléments perturbateurs, tout sera reconstruit à l’identique le lendemain. 

Pour conclure, revenons à notre cher Dr Spetzel qui nous invite à la délation auprès de Max afin de lui dire quel type d’événements surprenants pourraient se produire à LEGO City. Il serait plus juste de demander quels résultats surprenants pourraient ne pas se produire dans une ville où l’effacement de l’individu derrière sa fonction est à son paroxysme jusqu’à l’absurde. Mieux, pourquoi la société ne s’est-elle pas déjà effondrée à LEGO City ?

Ces gens n'ont pas conscience d'être cons et remplissent leur rôle à la perfection.
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