À l’occasion de la sortie du film The Batman avec Robert Pattinson, LEGO n’a pas manqué l’opportunité de nous proposer des ensembles inspirés de cette nouvelle franchise. Comme pour d’autres licences cinématographiques, ces sets sont commercialisés bien avant la diffusion en salles obscures. Alors comment la firme danoise s’en est sortie malgré tout ? Gros plan sur une figure de style imposée : la création de produits dérivés quand le matériau de base n’est pas encore disponible au grand public. Article garanti sans spoilers.
L’histoire d’amour lucrative entre LEGO et le super héros le plus populaire de l’écurie DC a commencé en 2006. L’événement est un tournant majeur dans l’histoire des sets sous licence. D’ailleurs, LEGO ne s’y trompe pas et annonce pour l’occasion la venue du chevalier noir en grande pompe. Le papy Batman (83 ans tout de même!), super héros créé par Bob Kane et Bill Finger, jouit toujours d’une popularité sans faille auprès des fans. Et ce, malgré l’absence de super pouvoirs autres que ce que l’argent peut acheter (super gadgets, gros bolides, trafic d’influence, corruption, concussion, etc.)
Le justicier masqué, grimé en chauve-souris, est une poule aux œufs d’or, comme en témoignent les flopées de comics, de jeux vidéo, de jouets et de films qui sortent, encore aujourd’hui, à une cadence industrielle. Après Christopher Nolan et Zack Snyder, voici venue la troisième itération cinématographique du Batman au XXIe siècle. Cette fois, c’est au tour de Matt Reeves, qui n’attend que les premiers chiffres du box-office pour avoir le feu vert des studios afin de réaliser sa propre trilogie et, pourquoi s’arrêter en si bon chemin, poser les bases de son propre Batverse.
Le Battinson succède au Batfleck
Après toutes ces apparitions sur le grand écran, on aurait pu croire qu’on avait fait le tour du personnage et que plus rien de neuf ne pourrait être dit, sauf à radoter. C’est mal connaître la richesse de l’univers du chevalier noir. Le Batfleck campe un Batman en fin de carrière et aigri, directement tiré des récits de Frank Miller : The Dark Knight Returns. Zack Snyder nous livre un personnage violent et désabusé, et s’inspire de nombreux éléments de l’intrigue, dont le fameux conflit qui donne le titre au film : Batman v Superman : L’Aube de la justice.
Ainsi, pour se renouveler, The Batman puise dans une autre œuvre iconique de Frank Miller : Batman Année Un. Après avoir exploré les vieilles années du héros, quoi de plus logique que de s’attaquer à sa genèse. Pour rajeunir le personnage à l’écran, la tâche est confiée à l’acteur Robert Pattinson, que nous appellerons dorénavant le Battinson. Comme à chaque changement d’acteur pour incarner le justicier iconique, les débats abscons se multiplient sur les réseaux. Mais dès que les premières images apparaissent, les doutes s’envolent. Et le Battinson fait fort, très fort. Car porter le Batman à l’écran, c’est aussi développer un univers visuel indissociable du personnage, à base de Bat-Trucs en tous genres.
L’habit fait le moine
Forcément, lorsqu’il s’agit de l’homme chauve-souris, la première chose qui nous vient à l’esprit est la transmission du coronavirus par zoonose son costume. D’un point de vue visuel, quatre éléments majeurs sont incontournables, à savoir son demi-masque à oreilles pointues, sa cape, sa ceinture à gadgets Deus ex machina, et bien évidemment son slip par-dessus ses leggings un bon gros logo de chiroptère arboré fièrement sur son poitrail.
Un cahier des charges plutôt simple qui pourtant a été décliné presque à l’infini, avec plus ou moins de réussite (ne jamais oublier les Bat-Tétons). Alors en quoi le costume du Battinson est unique ? Comme l’a expliqué Matt Reeves, les designers voulait que le Bat-Costume soit pratique et donne l’impression que Batman utilisait des pièces de rechange pour le créer lui-même. Judicieuse idée qui colle parfaitement à un Batman débutant dans le métier.
Les observateurs les plus avisés pourront noter que le Bat-Costard de Pattinson semble s’inspirer de celui dessiné par l’artiste Lee Bermejo dans des bandes dessinées comme Noël et Damned. Nous retrouvons les sections angulaires sur la poitrine, le même style de ceinture avec un harnais, et un pantalon plus ample que les traditionnels collants en spandex. Bermejo n’a pas été consulté concernant le design, mais était fier de voir un Bat-Costume similaire au sien dans un film.
Du spandex au plastique
Observons à présent la déclinaison du Battinson en minifigurine. L’exercice est délicat, il faut savoir saisir les traits saillants du personnage et les appliquer sur une très petite surface. C’est un exercice de caricature où l’on exagère les attributs du personnage en veillant à respecter un subtil équilibre entre le réalisme et le grotesque. Heureusement, une cape et des oreilles pointues suffisent amplement à atteindre un résultat certes fainéant, mais convaincant.
Ainsi, rien ne ressemble plus à une minifigurine du Batman qu’une autre minifigurine du Batman pour un œil distrait. Il est regrettable que le magnifique masque en cuir à coutures apparentes soit réduit au casque générique vu et revu dans d’innombrables sets LEGO (58 pour être exact). De plus, le col protège-nuque qui contribue largement à l’identité du costume, et, soit dit en passant, est vraiment sympa, passe tout simplement à la trappe. C’est la dure loi du compromis.
Notons tout de même la belle tampographie du torse (recto ET verso s’il vous plaît !) et des jambes. Les graphistes de LEGO ont fait un beau travail sur le plastron qui est, somme toute, très ressemblant. Le logo, l’armure et la bat-ceinture sont fidèles à l’original et suffisamment détaillés. Une chose manque cependant et vient gâcher le plaisir : l’absence de motifs sur les bras, qui pourtant se prêtaient bien à l’exercice.
L’énigme du sphinx
Laissons de côté les autres minifigurines présentes dans les sets, car elles ne resteront pas dans les annales. Sans être ratées, les personnages sont reconnaissables, mais ne suscitent pas plus d’enthousiasme. Seul le Sphinx (ou Riddler en VO), grand méchant du film, possède un design qui mérite qu’on s’y attarde. Des fringues moches, un sac hideux sur la tête, des lunettes, un symbole peint sur son manteau, et qui envoie des lettres incompréhensibles, ça vous rappelle quelqu’un ?
Si vous avez répondu le tueur du Zodiaque, bravo, vous venez de gagner un point Internet. Petite futée ! C’est en effet le célèbre tueur en série californien des années 70 qui a servi d’inspiration au costume. Plus précisément le fameux dessin de l’ancien caricaturiste du San Francisco Chronicle, Robert Graysmith. La victime survivante, Bryan Hartnell, a personnellement décrit le costume en détail à Graysmith, après sa rencontre et celle de Cecilia Shepherd avec le zodiaque le 27 septembre 1969. Ça rend tout de suite le costume moins ridicule, n’est-ce pas ?
Néanmoins, ce n’est pas l’énigme du Sphinx évoqué dans le titre. Non, la vraie énigme est pourquoi diable LEGO a décidé de l’affubler d’une perruque par-dessus son masque ? Pourquoi ? Répondez !!! Heureusement, nous pouvons habilement transformer de façon simple la minifig grâce à une technique audacieuse, afin qu’elle corresponde davantage au personnage campé par Paul Dano. Retirez les cheveux. Ne me remerciez pas. Preuve à l’appui :
Le Riddler sans les cheveux, ça rend tout de suite mieux.
Laisse-moi vroum vroum zen
Nous l’avons constaté, les designers de chez LEGO doivent donc réussir l’exercice difficile de produire des jouets avec peu de références, ce qui explique peut-être le choix capillaire étrange évoqué ci-dessus. Partant de ce fait, intéressons-nous au meilleur acolyte du Batman. Non, pas Robin, mais la Batmobile. Car quand on ne sait pas voler, mieux vaut une bonne voiture. Et en matière de véhicule, le moins que l’on puisse dire est que le super pouvoir de l’argent aide beaucoup.
Sur ce point, il y a autant de versions différentes du bolide que de costumes de chauve-souris, c’est-à-dire à foison. Le film The Batman s’empare à son tour de l’engin et en livre sa propre version, et rompt avec ses prédécesseurs. Fini les tanks furtifs et autres charrettes improbables et sur-armées. Les designers restent fidèles au leitmotiv du justicier en devenir : Bruce Wayne a fabriqué ça dans une grotte.
Matt Reeves a imaginé une voiture plus réaliste, que Bruce a assemblé lui-même. Les références à la chauve-souris sont beaucoup plus subtiles. Ainsi, il est amusant de constater que le moteur a une forme rappelant le volatile. De l’aveu même du réalisateur, il s’est inspiré de Christine de Stephen King pour lui donner une apparence animale afin d’effrayer les gens que Batman poursuit.
Dans l’ensemble, Matt Reeves a réussi son pari. La Batmobile dégage une bestialité glaçante, tout en restant pragmatique. Il faut de surcroît ajouter que le choix d’utiliser une muscle car renforce d’autant plus cette impression. Mais à bien considérer les choses, ce design n’est pas non plus totalement inédit. En effet, nous pouvons retrouver une Batmobile muscle car dans les travaux du dessinateur Francesco Francavilla et son génial Batman 1972.
Le Batman de Francesco Francavilla est de loin le plus funky.
Brickman et sa brickmobile
Jusqu’à présent, toutes ces références n’ont donné que des pistes d’identité visuelle. Mais les designers de chez LEGO étaient bien obligés de travailler avec du concret. Et ils n’ont pas toujours un accès privilégié aux coulisses. À cet égard, comparons leur travail avec les sources officielles de promotion disponibles sur le oueb, et jouons au jeu des sept différences. Je précise tout de suite que je ne parlerai pas de la Batmobile™ LEGO® Technic (42127) car cette gamme ne m’intéresse pas par choix éditorial (mais vous pourrez toujours l’accrocher au mur).
Un photoshop digne d’un professionnel…
Premièrement, soulignons que la Batmobile (76181) proposé par LEGO fait partie du club des huit tenons de large. Cette échelle donne instantanément un rendu très réaliste au niveau des proportions. Il suffit de voir la muscle car de six tenons de large du Ghost Rider (76173) pour s’en convaincre. Malgré des angles trop abrupts par rapport aux courbes délicates de l’original, l’aspect général est féroce et brutal. De loin, le véhicule est très convaincant.
Le moteur en forme de chauve-souris pour rouler des mécaniques.
Le moteur V8 de 650 chevaux apparent devient un V6 sur le modèle proposé par LEGO. Nous retrouvons l’aspect « chauve-souris » et les pièces chromées utilisées ajoutent au réalisme. Le designer a été bien inspiré et a réussi à ajouter de nombreux petits détails. Seuls deux petits autocollants sont utilisés et sont, pour leur part, plutôt accessoires et à demi masqués. Du reste, les effets pyrotechniques bleus crachés par le réacteur sont conformes à ceux aperçus dans la bande-annonce. Un travail propre et respectueux du sujet.
Les autres véhicules
Le set LEGO La course-poursuite en motos de Batman et Selina Kyle (76179) nous révèle que les deux roues seront aussi visibles à l’écran. Peu d’images sont disponibles sur Internet, mais c’est suffisant pour juger de la qualité des modèles en briques. À première vue, le résultat est est mitigé. Une remarque avant de rentrer dans le vif du sujet, il est clair que la Bat-Moto n’est pas homologuée : un coup de frein et PAF! Empalé par le pare-brise.
Virée romantique à moto dans un cimetière.
Revenons à nos motos. En premier lieu, ces deux cylindrées bénéficient d’une toute nouvelle pièce LEGO pour le châssis. L’avantage est que les motos proposent une expérience de construction plus grande qu’avec les traditionnelles motos moulées d’un seul bloc. De plus, les designers ont intégré beaucoup de détails (Bat-pare-brise, coffre, carburateur…) et le résultat est relativement fidèle. Cependant, la largeur de deux tenons rend les motos trop balourdes et imposantes. Mais après tout, ce ne sont que des jouets.
Bruce Wayne a décidément un goût prononcé pour les voitures vintages.
Enfin, un dernier véhicule fait une apparition furtive dans les bandes-annonces : la Chevrolet Corvette de 1963 de Bruce Wayne (que nous n’avons jamais vu dans la même pièce que Batman. C’est suspect…). Notons que LEGO nous a déjà proposé une Corvette de 1968, il est donc raisonnable d’espérer voir ce modèle produit un jour.
La Man-cave
Que serait notre justicier masqué sans son repère secret où se détendre entre deux séances de tartes aux dents sur les méchants ? Et la Batmobile garée en double file devant le building Wayne serait pour le moins suspicieux. Heureusement que Bruce Wayne est plein de ressources (financières). Nous connaissons tous la grotte aménagée sous le manoir familial, où s’entassent Bat-trophées, Bat-véhicules, Bat-ordinateur, Bat-infirmerie, Bat-costume… Bref, vous avez compris.
En ce qui concerne cette base secrète, un seul mot vient à l’esprit : pourquoi ? En y réfléchissant une petite minute, on se rend compte de l’absurdité de la chose. Stocker du matériel de haute technologie dans un endroit aussi humide ferait hurler n’importe quel technicien. Et que dire de ses colocataires chauve-souris au plafond ? La Bat-Cave, dans son ensemble, devrait être recouverte d’une épaisse couche d’excréments. Ce pauvre Alfred doit passer ses journées à décontaminer les lieus.
Pire, le guano représente un danger pour la santé des humains. Saviez-vous qu’au total, plus de 60 virus ont été détectés à partir d’organes, du sang ou des excréments de chauves-souris, un nombre bien plus élevé que chez les autres espèces animales. La rage, les coronavirus et même Ebola, voilà le menu réjouissant auquel vous vous exposez en pataugeant dans les déjections de chiroptères.
Wayne Terminus, tout le monde descend
Heureusement pour lui, notre Battinson semble avoir plus de jugeote que ses alter-egos et a installé son antre dans ce qu’il semble être un terminal de métro abandonné. Probablement l’œuvre inachevée de son père philanthrope. Nous n’avons qu’un bref aperçu du lieu dans les différentes images promotionnelles. Cependant, c’est amplement suffisant.
Sur l’image ci-dessus, nous distinguons à l’arrière-plan la Batmobile, ainsi que la rampe de réparation, ce que le set LEGO ne manque pas de reproduire. Un bon point pour les designers. Néanmoins nous noterons que la Batmobile, bien quelle se range parfaitement sur ses rails, est vendue séparément. Business is business.
Mais c’est vraiment sur cette dernière image que nous pouvons juger de la ressemblance du set LEGO. Les escaliers sont là, avec les lampadaires. Son setup de gaming est bien présent lui aussi, au milieu de la pièce. L’inscription « Wayne Terminus » est aussi visible. Enfin, nous distinguons au fond son atelier de tuning, également présent chez LEGO. Sur la base de cette photo, nous pouvons raisonnablement affirmer que l’interprétation des designers LEGO est très crédible.
Le vide sous le tunnel est habillé par les trois grands écrans du Bat-Ordinateur et constitue le point focal de la construction. Les autocollants des écrans sont très richement décorés et fourmillent de détails. Les messages codés du Riddler à passer sous la loupe rouge offrent une petite expérience de jeu sympathique. Les graphistes se sont lâchés et le résultat est là.
Si vous possédez également la Batmobile, elle trouvera naturellement ici sa place de garage douillette. Les designers ont d’ailleurs pensé à tout en offrant la possibilité de déplacer facilement le Bat-Ordinateur pour installer le véhicule. Le set est modulable et garde sa prestance quel que soit l’agencement choisi.
La grande carte de Gotham City parsemée de post-it avec des points d’interrogation est fouillée. Il faut, ici encore, noter la minutie des graphistes car cette carte n’est pas sortie de nulle part. C’est une reproduction fidèle du plan de Gotham aperçu dans Batman L’An Zéro de Scott Snyder et Greg Capullo (voir ci-contre).
Dans l’ensemble, cet ensemble LEGO est authentique et très réussi. Enfin une Bat-Cave qui peut rivaliser avec l’armurerie d’Iron Man (76125) en potentiel d’exposition sur vos étagères et pour un prix inférieur à 70 €, surprenant pour une gamme sous licence. Comptez tout de même 115 € pour l’ensemble des trois sets tirés du film (215 € si vous ajoutez la version LEGO Technic de la Batmobile). Il ne reste plus qu’à espérer que d’autres sets de la même qualité soient prévus.
Comment dépenser votre argent ?
La course-poursuite en motos de Batman™ et Selina Kyle™
- Petit set pas cher
- Un Bat-signal phosphorescent
- Motos un peu trop imposantes
La Batmobile™ : la poursuite du Pingouin
- Très réaliste
- Kit NOS inclus
- Le Pingouin est fourni avec un bazooka
La Batcave™ : l’affrontement du Sphinx
- Prix abordable
- Potentiel d'exposition
- Pas de guano
Bonus tl;dr
On se quitte avec ces quelques illustrations promotionnelles, dont une dessinée par Jim Lee (excusez du peu). Rendez-vous dans les salles obscures pour apprécier les aventures du Battinson. N’hésitez pas à partager votre avis dans les commentaires.
Je ne connaissais pas du tout votre site, très complet et rigolo en la matière. L’article m’a autant donné envie de voir le film que de me lancer dans une collection de sets Lego Batman. Je repasserai.